Selon le Baromètre National de la Santé Mentale des Étudiants (2025), 60% des étudiants présentent une « suspicion de détresse psychologique ». Cette réalité, loin d’être une exception, s’installe désormais au cœur du quotidien des établissements d’enseignement supérieur.

Pour répondre au besoin croissant de solutions de prévention et d’accompagnement en santé mentale, l’Université de Bordeaux met en place des actions concrètes. Au cœur de ce dispositif : la formation aux Premiers secours en santé mentale.
Entretien avec Anne Moreau, Directrice opérationnelle Espace Santé Etudiants à l’Université de Bordeaux.
Comment l’Université de Bordeaux s’engage en faveur de la santé mentale de ses étudiants ?
Au sein de notre campus, plusieurs actions sont mises en œuvre afin de promouvoir la santé mentale et le bien-être des étudiants.

Tout d’abord, l’Espace Santé Étudiants (ESE) est composé une équipe pluridisciplinaire de professionnels de santé dédiée à l’écoute, à la prévention et à l’accompagnement psychologique des étudiants. L’offre de santé de l’ESE intègre un axe spécifique à la santé mentale.
Ainsi, les étudiants peuvent prendre rendez-vous pour des consultations avec des psychologues ou des psychiatres. Ils peuvent aussi participer à des ateliers collectifs ou des campagnes de communication. En parallèle, un plan de postvention, comprenant des mesures d’accompagnement, de soutien et d’intervention, peut être déployé en cas de suicide.
Les étudiants ont également la possibilité de se former gratuitement aux Premiers secours en santé mentale.
Enfin, la communauté universitaire s’engage toute l’année à conseiller et accompagner les étudiants et à répondre à leurs questions liées à la santé mentale.
Vous êtes aujourd’hui l’université française qui forme le plus d’étudiants à cet enjeu de santé publique. Pourquoi un tel engagement en faveur de la santé mentale ?
Préserver la santé mentale des étudiants : un enjeu majeur et collectif
Selon une enquête de l’Institut Montaigne, la santé mentale des jeunes connaît une dégradation alarmante. La période du COVID a agi comme un véritable catalyseur des vulnérabilités psychologiques.
Anxiété, dépression, isolement, troubles du comportement alimentaire ou addictions : autant de symptômes qui témoignent d’une crise profonde de la santé mentale étudiante.
D’ailleurs, dans notre service, nous notons une augmentation significative des consultations liées à la santé mentale.
« Les troubles anxieux, notamment les attaques de panique, ainsi que les troubles dépressifs et les crises suicidaires, figurent parmi les situations les plus fréquemment rencontrées auprès des étudiants »
L’importance d’un repérage précoce
Sachant que pour 75% des personnes concernées par un trouble psychique, les premiers signes se développent entre 15 et 25 ans, il est essentiel de former les jeunes au repérage des premiers signes de mal-être, tant pour leur propre santé mentale que pour celle de leurs pairs.
Dans cette perspective, la formation PSSM s’impose comme une véritable action de santé communautaire. En effet, elle protège à la fois l’étudiant formé et son entourage. Elle renforce la capacité de chacun à écouter, comprendre et orienter en cas de besoin.
Former les citoyens de demain
Mais au-delà de la prévention, former les jeunes adultes – futurs professionnels parents et citoyens de demain – leur permet d’être autonomes et responsables.
Quel que soit leur métier ils auront un jour affaire à des situations humaines complexes. En développant leur intelligence émotionnelle et leur capacité d’écoute, on les prépare à mieux faire face et on leur donne des outils pour mieux gérer ces situations. On crée ainsi une culture de prévention, d’ouverture et de solidarité.
« On leur montre que la santé mentale est l’affaire de tous. Que demander de l’aide est un acte de courage, pas une faiblesse »
Et surtout, on leur donne la capacité d’agir. Former, c’est responsabiliser. C’est faire confiance. C’est reconnaître que les jeunes ne sont pas seulement des apprenants, mais aussi des acteurs de leur propre bien-être et de celui des autres.
Enfin, une détection précoce des signes permet d’éviter des crises, des interventions lourdes ou en urgence.
Comment la formation aux PSSM s’inscrit dans la politique de l’établissement ?
La formation aux PSSM occupe une place centrale dans la politique de santé et de bien-être de l’université.

Un partenariat fort avec PSSM France
Une convention officielle signée entre l’Université et PSSM France vient formaliser cet engagement. Elle traduit la volonté institutionnelle de former les étudiants, les enseignants et le personnel à la prévention des troubles psychiques et à la promotion du bien-être sur le campus.
Des moyens concrets pour soutenir la formation
Nous mettons à disposition une salle dédiée spécifiquement aménagée pour accueillir les formations PSSM. Ce dispositif bénéficie également d’un soutien administratif et logistique complet, facilitant l’organisation et la coordination des sessions programmées.
De plus, les porteurs du projet bénéficient d’un appui institutionnel pour répondre aux appels à projets (AAP) et mobiliser des financements externes.
La formation PSSM est mise en avant sur les canaux officiels de communication de l’université. Elle est valorisée lors des événements consacrés à la santé mentale et au bien-être étudiant.
Grâce à cet engagement, un nombre croissant de sessions de formation sont proposées chaque année. Cela permet de former un large public et de développer une véritable culture de prévention, d’écoute et de solidarité.
En tant que secouriste en santé mentale, comment intégrez-vous les compétences acquises lors de la formation dans votre quotidien ?
La formation au PSSM a un impact concret et transversal pour l’ensemble des acteurs de la communauté universitaire.
Grâce à la clarté des notions de santé mentale et à la vulgarisation, les soignants peuvent expliquer plus efficacement certaines situations. C’est de la psychoéducation.
Pour les personnels administratifs et les enseignants, cela leur permet de repérer les premiers signes de mal-être et d’orienter les étudiants vers les services appropriés. La formation leur permet également de bien connaitre les lieux ressources.
Au-delà du bénéfice personnel, la formation PSSM donne aux étudiants des habilités pour aider leurs pairs et renforcer leur capacité d’agir.
Ensemble pour déstigmatiser
Pour l’ensemble des secouristes, la formation aide à faire la distinction entre les difficultés habituelles que rencontrent un étudiant et l’émergence d’un trouble psychique plus important. Elle agit en prévention, comme un moyen de changer les regards sur la pathologie mentale.
D’un point de vue personnel et professionnel que vous a apporté cette formation de secouriste en santé mentale ?
Personnellement et au quotidien dans mes contacts téléphoniques avec les étudiants, cela me permet d’être plus claire et synthétique dans mes explications.
En tant que directrice opérationnelle, la formation m’a permis de mesurer pleinement les compétences et l’engagement des infirmières et des psychologues de l’ESE. Que ce soit dans le déploiement du programme PSSM, ou dans la pertinence de leur rôle dans sa mise en œuvre.
Avec ses 54 000 étudiants, l’Université de Bordeaux est le premier établissement en France à avoir formé un nombre aussi important de secouristes en santé mentale. Depuis 2019, plus de 3 400 étudiants et personnels ont déjà été formés. L’Université poursuit son engagement exemplaire avec l’ambition de former 1 300 nouveaux secouristes chaque année.